Les deux gagnants du concours littéraire Appartenance(s) sont connus

Written By Unknown on Rabu, 24 Desember 2014 | 16.04

La juge pour ce concours d'écriture, l'auteure Marie Hélène Poitras, a tranché et a choisi les deux gagnants du concours d'écriture sur le thème du sentiment d'appartenance ou d'exclusion.

Il s'agit d'Anaïs Paquin, de Saint-Eustache, qui remporte le volet jeunesse du concours avec son texte L'étendue de ses pages, et de Marie-Andrée Arsenault, de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui remporte le volet pour adulte avec son texte Les enfants endormis, nous courions dans la nuit.

L'étendue de ses pages d'Anaïs Paquin

Selon la juge Marie Hélène Poitras, ce texte aborde un thème important pour les jeunes lecteurs et écrivains en herbe : l'intimidation et le rejet. « Plusieurs l'ont fait dans le contexte de ce défi. L'étendue de ses pages a deux qualités qui distinguent ce texte du lot. D'abord l'écriture est fluide, l'auteure a les idées claires et les communique au lecteur par des images bien choisies, parfois poétiques, sans jamais en mettre trop. Elle fait preuve, déjà, d'un sens de la concision et du dosage adéquat. De plus, malgré la gravité du sujet abordé, le récit ne verse pas dans le mélodrame; c'était le piège ici. »

« L'autre grand mérite du texte, c'est que l'auteure arrive à élever son personnage en ouvrant le drame intime de celui-ci à la découverte d'une appartenance vaste et universelle à la communauté des lecteurs. Une enfant affligée tout à coup s'échappe des difficultés de son quotidien par la grande porte de la littérature. La finale surprend, elle a beaucoup de panache. Le sujet du défi est exploité avec une belle originalité. Le texte est riche, on remarque de nouveaux éléments à chaque relecture. Mes félicitations. » — Marie Hélène Poitras


L'étendue de ses pages

Je la regarde : ses cheveux aux corps fous, s'entortillant comme des tiges de vigne, atterrissant en tas de poils informes sur ses épaules. Ses genoux qu'elle tient au niveau des yeux, son dos quelque peu penché, appuyé sur un mur d'école, blanc sel, la couleur d'une geôle du savoir. Son teint clair, mais ses joues comme poudrées de rouge, ses yeux aux veines turgescentes. J'observe, comme le reflet d'une peine, une larme qui perle et s'égare au bout d'un cil - la dernière d'une importante lignée.

La crise a été insoutenable. Je le sais, j'y étais. Cette enfant, le cœur pulsant encore comme une horloge déréglée, des bousculades, de l'ignorance de ses camarades, cette enfant sur laquelle s'élève pourtant la courbe d'un sourire, elle vit dans le tréfonds de ma pensée. Nous partageons l'identité, seul le temps nous sépare.

J'aime la contempler, du haut de ma mémoire, me rappeler ce curieux courant de mon existence où ma solitude a semblé se scinder en deux; en ce gouffre, réservoir de soufre et de lamentations que je connaissais depuis toujours, dans lequel se jetait tout, du regard méprisant jusqu'aux coups échangés pour rien, et en quelque chose d'autre, comme un émoi, une profusion d'images, la porte de l'intérieur de soi. Le noyau d'une conscience autre.

Car cette enfant n'est pas seule. Cela lui apparaît graduellement, tandis que les voix, l'activité ambiante s'estompent, que même son cœur au creux de ses oreilles cesse de résonner, que sa respiration se détend comme un accordéon distendu, que seul le poids du corps contre ses cuisses semble grossir, que seul le bout de ses doigts, découvrant l'écorce derrière le papier en tournant les pages, semble gagner en sensibilité. Cela lui apparaît comme une mélodie portée par la brise, une révélation douce, un miracle sans ombrage, l'objet, ouvert entre ses mains, la regarde comme elle le regarde. Le livre la connaît, comme elle le connaîtra lorsqu'elle aura parcouru l'étendue de ses mots.

Il l'accueille, à la manière de bras infinis, tendus pour embraser son âme. Il devient plus, plus qu'une suite finie de mots, de phrases posées là pour distraire avec leurs histoires, plus qu'une couverture suivie de pages, plus que matériel, un concept aussi grand que l'amour ou la mort, il devient le monde.

Un monde qui défile au rythme des pages tournées, un monde multiple qui existe à la fois au passé et au futur, qui existe au présent en plusieurs exemplaires, en parallèle des lecteurs qui le lisent au même instant.

Voilà ce que découvre l'enfant, voilà ce que je redécouvre à chaque fois que mes yeux s'égarent dans le creux d'un livre, ou que mes doigts parcourent les touches d'un clavier, portés à leur tour par le pouvoir des mots.

Une appartenance plus grande que moi-même, une liaison des inconscients, de l'auteur, du mien, de tous ceux des autres qui ont lu, qui lisent, qui liront. 

Mon cœur est littérature. Il sublime le temps, transcende la mort.

Félicitations à Anaïs Paquin, qui recevra 1000 $, offerts par le Conseil des arts du Canada.


Anaïs Paquin est née le 2 février 1997 à Saint-Eustache. Elle a grandi à Montréal-Nord. Enfant, elle a deux passions, les bêtes, des plus visqueuses aux plus douces, et tout ce qui ressemble à un livre, romans, encyclopédies, revues scientifiques... De cette seconde passion germera un rêve : celui d'écrire à son tour, pour faire partager à d'autres les mots et cette courte parenthèse au monde réel qu'elle connaît si souvent au cours de ses lectures. Aujourd'hui, Anaïs a plusieurs projets : la rédaction de poèmes, de nouvelles et d'un roman, ainsi que des études en lettres au cégep.


Les enfants endormis, nous courions dans la nuit de Marie-Andrée Arsenault

Selon Marie Hélène Poitras, ce qui fait la force de ce texte en prose, c'est son rythme, qui rappelle celui d'une chanson. Un souffle le traverse, emplit le lecteur. Comme un souvenir doux qui revient nous bercer et qu'on réussit à nous faire ressentir comme étant presque le nôtre : un grand pouvoir d'évocation. La magie et la langueur des jours précieux qui séparent l'adolescence de l'âge adulte sont bien rendues. 

« Ce récit en mouvement, c'est une mélodie apprise puis oubliée, un paysage qui défile sous nos yeux avant de se disperser. L'auteure saisit l'éphémère passage vers une autre étape de la vie, décrit avec brio le moment où l'on se réfugie dans ce qui est appelé à disparaître : les derniers jours d'été, l'adolescence dans ce qu'elle a de pur, l'amitié particulière d'un groupe de moniteurs dans une colonie de vacances. Histoire d'une métamorphose, d'une étape qui va transfigurer des protagonistes réunis en une communauté soudée. Jolie variante sur le thème de l'appartenance.  » — Marie Hélène Poitras


Les enfants endormis, nous courions dans la nuit

Il y avait la rivière et le trampoline, la grotte hantée et le quai pour rêver. Et ces cabanes fragiles, tout là-bas sur la grève, comme des maisons d'enfants, pour jouer, oublier. Nous avions 18 ans et des noms inventés. L'été s'offrait à nous comme une promesse d'éternité.

Les campeurs pensaient que la colonie de vacances, c'était notre maison. Nous aussi parfois. Et nous nous permettions d'y croire. Après tout, il n'y avait rien de trop beau pour amuser les petits.

Ces soirs d'août, il était une fois, les enfants endormis, nous courions dans la nuit.

Le matin, en remontant la côte menant à la ferme, nous chantions La poulette grise. Les enfants étaient excités. Nous rentrions trois par trois dans le poulailler, caressions les poules, leur imaginions des noms.

Imaginer, c'est ce que nous faisions de mieux. Pour oublier que nous avions grandi et qu'il nous faudrait bientôt nous séparer, car au-delà de la rive nous attendait ce long chemin à parcourir, celui qu'on appelait la vie.

Avant de quitter la ferme, nous ramassions les œufs, faisions des petits nids avec nos mains pour redescendre la côte vers le camp. Les œufs étaient couvés, chatouillés, protégés. Réchauffés par des rêves bien plus vastes qu'eux.

Ces soirs d'août, il était une fois, les enfants endormis, nous courions dans la nuit. Jusqu'au trampoline, au clair de la lune, de la terre aux joues, les cheveux en rivière.

À l'heure du coucher, il fallait ramener les couvertures jusqu'au menton, déposer des baisers sur les têtes minuscules. Il y avait quelque chose d'infiniment beau dans l'importance que nous prenions pour ces fragiles existences. Le temps d'une saison, nous devenions des êtres plus grands que nature. Nous leur racontions les pirates, les bateaux, tracions sur leur peau des trésors imaginaires. Et lorsqu'un à un, ils s'endormaient, nous fermions les yeux très fort pour que le temps s'arrête. Pour qu'ils ne repartent jamais. Pour que l'été dure toujours.

Chaque nuit, le trampoline devenait notre port d'attache. Nous nous y installions pour compter les étoiles. Main dans la main, soudés les uns aux autres, nous existions dans chaque clin d'œil échappé par le ciel. D'autres fois, la lueur de la lune glissait doucement sur nos visages. Alors, nous restions là, bien vivants et follement convaincus de ne vouloir nous trouver nulle part ailleurs que sur ce trampoline. À la fin de l'été, nos corps y avaient laissé un large tatouage, une série de ramifications fossilisées.

Ces soirs d'août, il était une fois, les enfants endormis, nous courions dans la nuit. Jusqu'au trampoline, au clair de la lune, de la terre aux joues, les cheveux en rivière. Et dans le ciel, ces soirées-là, les reflets de nos regards. Filant.

Plus jamais nous ne serions les mêmes.

Félicitations à Marie-Andrée Arsenault, qui recevra 1000 $, offerts par le Conseil des arts du Canada.


Née en 1985, Marie-Andrée Arsenault aime porter des robes de princesses et de fée des étoiles. Elle a passé quelques étés à déposer de grands chapeaux sur sa tête et à répondre à un nom inventé dans un camp de vacances où les ouaouarons chantaient la nuit. Elle a aussi vendu des tas de livres pour enfants, raconté des histoires extraordinaires dans les parcs et joué avec les mots et les images d'une maison d'édition où les monstres vivent dans les boîtes de céréales. Elle partage désormais sa passion pour les mots aux ados qui, d'une année à l'autre, s'enracinent (parfois malgré eux) dans sa classe aux murs décorés de quenouilles et de marguerites. Titulaire d'une maîtrise en création littéraire de l'Université du Québec à Montréal, elle a publié des nouvelles dans la revue Zinc (Marchand de feuilles, 2009) et dans deux collectifs parus aux Éditions de Ta Mère (2012, 2013). En septembre 2014, son premier livre pour enfants, Les souvenirs du sable, est paru aux éditions Bayard Canada.


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